vendredi 11 juillet 2008

Joseph Stiglitz : "Réformons les institutions économiques internationales"

Joseph Stiglitz : "Réformons les institutions économiques internationales"
Les « anti-globalisation » en ont fait leur héros, les partisans du tout-marché leur bête noire : « Joe » Stiglizt trouve le monde « injuste » et voudrait le changer. Interview avec le Nobel d’économie le plus controversé de sa génération.
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Dans votre ouvrage La Grande Désillusion, vous affirmez que la mondialisation ne marche pas. Pourquoi ?
Parce qu’elle ne profite pas à tout le monde, même si elle profite à certains, voire à beaucoup de monde dans certains pays. Grâce à la mondialisation, la Chine et plusieurs pays d’Asie ont accru leurs exportations. Mais ailleurs, notamment en Amérique latine, les réformes des années 90 ont engendré de l’instabilité économique. Souvent, la croissance est restée très limitée et ses bénéfices ont profité aux riches de manière disproportionnée.

La crise des marchés financiers qui touche les pays riches est-elle liée aux dysfonctionnements de la mondialisation ?
Oui et non. Le problème, ce n’est pas la mondialisation mais les institutions économiques internationales, notamment le FMI, qui ont imposé un certain nombre d’idées: le fanatisme du marché, une certaine vision du capitalisme à l’américaine, vu comme le meilleur, voire le seul, système économique universel. Mais les scandales récents, aux Etats-Unis et ailleurs, montrent que ce système pose de graves problèmes et soulignent le caractère malsain des liens entre les sphères politiques et économiques. Quand je faisais partie des conseillers économiques de la Maison Blanche, nous plaidions pour changer le mode de comptabilisation des stock-options détenues par les cadres d’entreprises. Mais le Trésor, les milieux financiers et les entreprises, qui étaient contre ces réformes, ont réussi à gagner huit années qui ont coûté cher à l’économie américaine.

Quels intérêts spécifiques cette forme de libéralisation sert-elle ?
Certains intérêts en Occident, mais également dans le Sud. Par exemple, la mondialisation des marchés financiers profite à tous les individus qui ont intérêt à spéculer sur des valeurs à court terme. Par ailleurs, certaines règles inégales du commerce, comme celle régissant la propriété intellectuelle, sont le fruit de pressions des laboratoires pharmaceutiques et de l’industrie des loisirs. Elles vont à l’encontre des intérêts de la communauté scientifique et de ceux qui se soucient de la santé et du bien-être des pauvres.

Mais vous ne croyez pas à la « théorie du complot de l’Occident », populaire en Asie et en Russie. Pourquoi ?
Une conspiration suppose que des gens se réunissent et coordonnent leurs actions. A mon avis, ce n’est pas le cas. Mais je crois à l’influence des idées et des politiques. L’idéologie des « fanatiques du marché » est une force très importante, de même que les contributions des milieux financiers aux campagnes électorales des leaders politiques. Le problème, c’est que le processus de décision est anti-démocratique : il n’est pas transparent, et les voix de certains groupes ou de certains pays comptent plus que d’autres.

Quel est l’impact de la mondialisation sur l’éducation, la culture et le partage du savoir ?
Les nouvelles technologies ont permis à certains groupes locaux de s’affirmer, et favorisent ainsi la diversité culturelle. Malheureusement, souvent, la mondialisation a été trop rapide et mal gérée ; elle a rompu l’équilibre des cultures existantes. Dans des sociétés dotées de systèmes traditionnels de solidarité, les institutions internationales ont parfois débarqué avec leurs programmes d’assistance tout faits, laminant les structures locales.

Dans votre ouvrage, vous mettez l’accent sur l’impact considérable des politiques éducatives sur le développement.
Ici, il faut nettement distinguer les positions de la Banque mondiale et celles du FMI. La Banque mondiale soutient des projets éducatifs dans de nombreux pays. J’ai pu observer des réussites, par exemple en Colombie, où des programmes scolaires ont été élaborés pour que les enfants de travailleurs migrants bénéficient d’une continuité éducative. En Ethiopie, la Banque a appuyé la refonte des programmes afin qu’ils soient plus en phase avec le pays réel. Mais les mesures d’austérité du FMI sapent souvent ces efforts, si bien qu’on peut se demander si elles ne sont pas austères à l’excès. En Ethiopie, je peux affirmer que c’était le cas. Les dépenses éducatives sont un investissement crucial pour l’avenir d’un pays. Elles devraient être prioritaires, même s’il faut examiner soigneusement comment l’argent est dépensé.

Que pensez-vous de la tendance croissante à la privatisation des services éducatifs ?
L’expérience montre qu’elle a un impact globalement négatif. Aux Etats-Unis, elle accentue en général la ségrégation, non pas raciale mais sociale. Il est fréquent que les écoles privées affichent de meilleurs résultats mais c’est parce que leurs élèves viennent de milieux favorisés, bénéficient d’une meilleure éducation à la maison, etc.

On dit que les technologies de l’information réduisent le fossé entre riches et pauvres. Etes-vous d’accord ?
C’est vrai lorsque les pauvres sont assez riches pour y avoir accès. Dans des pays comme la Chine, Internet contribue sûrement à réduire le fossé avec le Nord. Mais en Afrique, où l’accès aux nouvelles technologies est quasi inexistant, le fossé continue à se creuser.

En matière de propriété intellectuelle, les pays pauvres ont-ils intérêt à élaborer leurs propres lois ou à laisser se développer le piratage des produits occidentaux ?
Il faut qu’ils aient leurs propres cadres législatifs pour se protéger de la biopiraterie. Aujourd’hui, le jeu est inégal. Les pays en développement n’ont pas les moyens de se battre contre les avocats américains très cher payés par les compagnies occidentales qui pillent leurs ressources. Après le dernier round de négociations commerciales, à Doha fin 2001, ces pays doivent s’unir pour dire « nous devons revoir le régime de la propriété intellectuelle ».

Vous êtes convaincu que la mondialisation pourrait être une bonne chose pour les pauvres. A quelles conditions ?
Il faut qu’il y ait une reconnaissance, dans les pays du Nord, de la nature des inégalités et des problèmes mondiaux. Je pense que dans ces pays, la plupart des gens sont attachés aux principes d’équité et de justice ; s’ils prenaient conscience de ces choses, ils pousseraient leurs gouvernements à agir. Voyez le mouvement Jubilee 2000 pour l’annulation de la dette des plus pauvres.
Mais il faut également réformer les institutions économiques internationales.
Comment ?
Je modifierais le système des votes. Comme les Etats-Unis sont le seul pays à disposer d’un droit de veto au sein du FMI, celui-ci reflète forcément leurs intérêts. Et comme ils sont représentés par le Trésor américain, ce sont les intérêts des milieux financiers qui priment. Je changerais aussi le système de représentation. Si le FMI ne s’occupait que de questions techniques comme les assurances, on ne trouverait rien à y redire. Mais ses politiques touchent aussi à l’éducation, à la santé, etc. Or, les populations affectées n’ont aucune voix au chapitre, absolument aucune.

Que feriez-vous en Argentine aujourd’hui ?
Je cesserais de courir après toujours plus de financements extérieurs, ce qui ne sert qu’à entretenir le système de la dette et à payer les créanciers étrangers. Je me demanderais plutôt : « que faire à l’intérieur du pays ? comment mieux gérer les ressources humaines, qui sont sous-utilisées ? ». L’enjeu, c’est de créer un marché, une demande, et de renflouer les entreprises. J’essaierais, par exemple, d’obtenir un arrangement temporaire avec mes partenaires commerciaux pour qu’ils achètent davantage de mes produits à l’exportation, ce qui ferait rentrer de l’argent frais dans les caisses des entreprises. L’essentiel, c’est de faire redémarrer la machine.

lundi 27 août 2007

Joseph Stiglitz : Un autre Monde



S comme Stiglitz (Joseph E.)

Soyons clairs. La plupart du temps, l'idée de lire un bouquin d'économie fait plus que me rebuter, elle me déprime. En attente depuis plusieurs mois le livre du Prix Nobel d'économie, Joseph Stiglitz intitulé "Un autre Monde" dormait sous une pile d'ouvrages et sa lecture début août n'est pas loin de me réconcilier avec le genre. En vérité Stiglitz est presque un conteur et le DVD d'entretiens diffusé par l'hebdomadaire "Challenges" cet hiver ne peut qu'encourager des lecteurs aussi fainéants que moi à poursuivre. C'est ce qui a été fait et je m'en porte que mieux.

Autour de l'idée que Wall Street et la mondialisation débridée en cours sont antagoniques aux perspectives de développement, l'ancien conseiller de Bill Clinton avance l'idée qu'une certaine forme de capitalisme, celui en vigueur aux Etats-Unis pour parler court, est à proscrire. Autour de l'idée du retour à un Etat modernisé et à des processus de décisions issus de choix démocratiques, un nouvel équilibre peut émerger entre l'Etat et le marché permettant ainsi non seulement aux sociétés de maîtriser le marché, de protéger travailleurs comme consommateurs au Nord comme au Sud mais, et c'est essentiel pour Stiglitz, d'être soucieux de l'avenir de la planète.

S'il fallait très grossièrement caser l'économiste américain parmi les références qui s'imposent en matière de projet de société il est clair que le Nobel 2001 pourrait se situer entre la démarche sociale démocrate suédoise, les positionnements d'une bonne partie du PS français (de DSK à Royale) et certaines velléités de Clinton ou Al Gore.

Pour vous convaincre de visiter Stiglitz et de tenter l'aventure voici quelques bribes de la conclusion de son ouvrage.

"Pour une grande partie du monde" nous dit l'auteur, "la mondialisation telle qu'elle a été gérée ressemble à un pacte avec le diable. Dans le pays, une poignée d'individus s'enrichissent; les statistiques du PIB, à prendre pour ce qu'elles valent, ont meilleure mine, mais les modes de vie et les valeurs fondamentales sont menacées. Dans certaines régions du monde, les gains sont encore plus minces, les coûts plus palpables. Les progrès de l'intégration dans l'économie mondiale ont apporté plus d'instabilité, plus d'insécurité, plus d'inégalité. Et ils ont même compromis des valeurs essentielles.

Ce n'est pas une fatalité. Nous pouvons faire fonctionner la mondialisation, mais pour tout le monde, y compris les habitants des pays pauvres. Ce sera long et difficile. Nous avons déjà beaucoup trop attendu. Nous devons nous y mettre immédiatement ".

Cela vous tente? Cela s'appelle "Un autre Monde", c'est chez Fayard, 448 pages pour 22 Euros mais j'imagine que d'ici quelques mois une version en poche devrait être proposée. A vous de voir si vous préférez attendre.


vendredi 22 juin 2007

Une grand-mère sans-papiers interpellée dans sa baignoire


PARIS, 21 juin 2007 (AFP) - 20h29 Une grand-mère sans-papiers interpellée dans sa baignoire en Eure-et-Loir Une grand-mère sans-papiers, de nationalité centrafricaine, âgée de 68 ans, a été interpellée mardi par la police au domicile de sa fille à Mainvilliers (Eure-et-Loir), a-t-on appris jeudi de sources concordantes. "Les policiers cherchaient un homme et sont tombés nez à nez avec la dame qui se lavait dans la baignoire", a affirmé à l'AFP le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap). La sexagénaire, sans papiers, a été conduite au commissariat de Chartres où elle est restée en garde à vue jusqu'à mercredi soir. Vers 20h00, sa famille l'a vue partir en voiture de police en direction de l'aéroport de Roissy. La sexagénaire devait embarquer à destination de Bangui (Centrafrique). L'une de ses filles s'est rendue sur place. "Elle a menacé de se suicider s'ils emmenaient sa mère, qui par ailleurs souffrirait de graves problèmes de santé. Cette action a attiré l'attention des passagers, et a finalement décidé les autorités à faire sortir la grand-mère de l'avion", selon le Mrap. Elle a ensuite été prise en charge par la police. "Cette dame a bien été arrêtée mardi parce que les fonctionnaires de police ont remarqué qu'elle était en situation irrégulière sur le territoire français. Après son refus d'embarquer, une procédure judiciaire a été ouverte ", indique la préfecture d'Eure-et-Loir.

Nous protestons contre la dénomination et les pouvoirs dévolus à ce ministère




Mobilisation
«Nous protestons contre la dénomination et les pouvoirs dévolus à ce ministère»
vendredi 22 juin 2007
Upolin.org, le site qui relaie la pétition des historiens

Le texte de la pétition :
«Comme l'ont souligné les historiens démissionnaires des instances officielles de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, associer «immigration» et «identité nationale» dans un ministère n'a jamais eu de précédent dans l'histoire de la République : c'est, par un acte fondateur de cette présidence, inscrire l'immigration comme «problème» pour la France et les Français dans leur «être» même.
«En tant que citoyens, ce rapprochement nous inquiète car il ne peut que renforcer les préjugés négatifs à l'égard des immigrés. De notre point de vue, l'identité nationale constitue, aujourd'hui, une synthèse du pluralisme et de la diversité des populations et ne saurait être fixée dans le périmètre d'un ministère.
«Le décret du 31 mai 2007, qui définit les compétences de ce nouveau ministère montre, de surcroît, que les effets institutionnels dépassent la seule question de sa dénomination. Ainsi, ce ministère, qui détient en priorité des pouvoirs de police et de contrôle, est aussi chargé de «promouvoir l'identité nationale» et de définir «une politique de la mémoire» dans le domaine de l'immigration. Il dispose d'une autorité complète et nouvelle sur l'asile politique et d'une autorité partagée sur une multitude d'administrations, y compris sur la «direction de la mémoire, du patrimoine et des archives» du ministère de la Défense.
«Cette confusion des rôles et des fonctions est inadmissible et inquiétante. Nous protestons énergiquement contre la dénomination et les pouvoirs dévolus à ce ministère et demandons solennellement au président de la République de revenir à des choix plus conformes aux traditions démocratiques de la République française.»
La liste des signataires sur upolin.org et liberation.fr

mardi 19 juin 2007

Making Globalization Work, J.STIGLITZ

Making Globalization Work
Joseph Stiglitz

Lecture delivered in Chennai on January 4, 2007

Joseph Stiglitz

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Introduction; Part 1,
by N. Ram,
Editor-in-Chief, The Hindu
6.10 1448 kb
Introduction; Part 2,
by N. Ravi, Editor, The Hindu
9.13 2163 kb
Lecture; Part 1 * 8.48 2063 kb
Lecture; Part 2 10.00 2345 kb
Lecture; Part 3 5.18 1246 kb
Lecture; Part 4 3.32 829 kb
Lecture; Part 5 7.02 1650 kb
Lecture; Part 6 7.33 1772 kb
Lecture; Part 7 10.08 2377 kb
Lecture; Part 8 5.23 1266 kb
Question Time; Part 1 11.23 2672 kb
Question Time; Part 2 13.15 3110 kb
Question Time; Part 3 16.42 3917 kb

* Lecture Part 1 contains some boom and flutter in the first 27 seconds; this is an artefact from the original recording and has not been edited.

mardi 12 juin 2007

L'ivresse du pouvoir ou le pouvoir ivre ?

La France doit-elle se faire du souci à propos du locataire actuel de l'élysée?
En tout cas ce comportement est indigne d'un haut responsable politique et encore plus d'un chef d'Etat. Lors de la campagne electorale N.SARKOZY a suscité des craintes des peurs et des méfiances quant à son tempéramment nerveux et colorique.
Celui qui s'est montré comme ne buvant jamais de l'alcool est dans cette vidéo dans un état d'ivresse déplorable c'est sûr et certain.

La vodka russe ou la bière allemande ou autres substances qui aident à tenir le coup, sont pour beaucoup de ce qui est arrivé au Président de la France. C'est ce dernier qui détient le code de mise en feu nucléaire, alors le contrôle de ce que consomme le chef de l'Etat doit-il s'effectuer à tout moment?

Le plus révoltant c'est la censure de cette vidéo en France. Alors que les journaux télévisés ont tout loisir de parler des derniers déboires de starlettes ou de chocs entre véhicules sur une nationale dans des villages de la France profonde.
C'est absolument scandaleux. Alors que le même président s'est dit pour la liberté d'expression absolue (voir les caricatures anti-Islam), la censure est depuis son arrivée aggravée accentuée et la main mise sur les médias n'est plus à démontrer.
Les français si attachés au droit de savoir comme au droit d'avorter ou autres nombreux droits doivent se faire des soucis quant aux façonnage et aux formatage par le système d'exploitation Sarko2007.


Sarkozy ivre au G8
envoyé par LesInsoumis

samedi 2 juin 2007

Un empire américain ?


Un empire américain ?

Ainsi se constitue, selon la formule d'Élisabeth Crémieu, un « nouvel empire américain » qui repose sur les services de pointe autant que sur l'industrie de pointe : formation des élites mondiales dans les grandes universités, contrôle de la planète par des réseaux d'écoute comme le système Echelon, organisation du marché mondial des capitaux... Tout cela met les États-Unis en position de force dans leurs relations avec leurs partenaires qu'ils s'efforcent de redéfinir.

Deux faits essentiels se sont en effet produits depuis 1971.

D'abord, l'économie américaine s'est ouverte sur l'extérieur. En 1971, les importations de marchandises représentaient encore moins de 5% du P.I.B. ; aujourd'hui, le chiffre dépasse les 10%. Cette internationalisation n'a pas été sans provoquer de nombreuses difficultés, à commencer par le déficit commercial. Ce fait peut conduire à se replier sur soi-même : après tout, il existe une puissante tradition protectionniste et isolationniste aux États-Unis, et elle n'a pas disparu. On le constate, dans les années 1980 et 1990, à travers l'adoption de mesures de protection (quotas sur les automobiles japonaises en 1981, l'acier européen en 1982...) ; le Japon provoque des réactions de rejet qui se manifestent avec vigueur lors du cinquantième anniversaire de Pearl Harbor (1991).

Ensuite, l'effondrement de l'U.R.S.S. accroît considérablement la marge de manœuvre des États-Unis : ils ne sont plus contraints de ménager leurs concurrents économiques pour des raisons politiques. Ils peuvent utiliser tous les moyens de pression dont ils disposent, et le plus important est sans aucun doute l'accès au grand marché américain : quel pays, quelle entreprise pourrait supporter de se voir privé d'accès à un marché si riche, si vaste et si dynamique ? Sous cette menace, les États-Unis ont obtenu des gestes importants de la part des Japonais (accord sur la réduction des obstacles structurels aux échanges de 1990) et surtout des Européens (réforme de la politique agricole commune). Ils savent surtout agir à toutes les échelles avec pragmatisme : encouragement au libre-échange mondial par la création de l'O.M.C. qu'ils ont soutenue, « bilatéralisme agressif », selon la formule de Leonard Silk dans les relations bilatérales avec leurs partenaires, création d'une zone commerciale régionale avec le Canada et le Mexique, l'A.L.E.N.A., en 1992.

Le XXe a bien été « le siècle américain », ainsi que l'avait annoncé Henry Luce dans un article de Life en 1941. Le XXIe siècle le sera-t-il encore ? Les défis n'ont pas disparu : ils viennent de l'Asie (efficacité de la production) comme de l'Europe (puissance financière, création de l'euro qui pourrait concurrencer le dollar, le plus important soutien de la puissance économique américaine). Les États-Unis conservent cependant des atouts exceptionnels : un espace vaste et riche, une position géographique ouverte à la fois sur l'Atlantique et le Pacifique, une population nombreuse, plus jeune et plus dynamique que celle de leurs concurrents, la place financière de New York, le premier marché de consommation mondial, une capacité d'innovation exceptionnelle, les premières firmes mondiales, la force militaire qui peut se traduire en termes d'hégémonie économique. Surtout, l'effondrement du bloc communiste confirme l'efficacité du modèle américain et donne au pays une opportunité exceptionnelle : débarrassé de la menace soviétique, il peut se concentrer sur sa puissance économique. De leur capacité à saisir cette chance dépend la possibilité pour les États-Unis de rester le centre de l'économie mondiale.