samedi 2 juin 2007

Un empire américain ?


Un empire américain ?

Ainsi se constitue, selon la formule d'Élisabeth Crémieu, un « nouvel empire américain » qui repose sur les services de pointe autant que sur l'industrie de pointe : formation des élites mondiales dans les grandes universités, contrôle de la planète par des réseaux d'écoute comme le système Echelon, organisation du marché mondial des capitaux... Tout cela met les États-Unis en position de force dans leurs relations avec leurs partenaires qu'ils s'efforcent de redéfinir.

Deux faits essentiels se sont en effet produits depuis 1971.

D'abord, l'économie américaine s'est ouverte sur l'extérieur. En 1971, les importations de marchandises représentaient encore moins de 5% du P.I.B. ; aujourd'hui, le chiffre dépasse les 10%. Cette internationalisation n'a pas été sans provoquer de nombreuses difficultés, à commencer par le déficit commercial. Ce fait peut conduire à se replier sur soi-même : après tout, il existe une puissante tradition protectionniste et isolationniste aux États-Unis, et elle n'a pas disparu. On le constate, dans les années 1980 et 1990, à travers l'adoption de mesures de protection (quotas sur les automobiles japonaises en 1981, l'acier européen en 1982...) ; le Japon provoque des réactions de rejet qui se manifestent avec vigueur lors du cinquantième anniversaire de Pearl Harbor (1991).

Ensuite, l'effondrement de l'U.R.S.S. accroît considérablement la marge de manœuvre des États-Unis : ils ne sont plus contraints de ménager leurs concurrents économiques pour des raisons politiques. Ils peuvent utiliser tous les moyens de pression dont ils disposent, et le plus important est sans aucun doute l'accès au grand marché américain : quel pays, quelle entreprise pourrait supporter de se voir privé d'accès à un marché si riche, si vaste et si dynamique ? Sous cette menace, les États-Unis ont obtenu des gestes importants de la part des Japonais (accord sur la réduction des obstacles structurels aux échanges de 1990) et surtout des Européens (réforme de la politique agricole commune). Ils savent surtout agir à toutes les échelles avec pragmatisme : encouragement au libre-échange mondial par la création de l'O.M.C. qu'ils ont soutenue, « bilatéralisme agressif », selon la formule de Leonard Silk dans les relations bilatérales avec leurs partenaires, création d'une zone commerciale régionale avec le Canada et le Mexique, l'A.L.E.N.A., en 1992.

Le XXe a bien été « le siècle américain », ainsi que l'avait annoncé Henry Luce dans un article de Life en 1941. Le XXIe siècle le sera-t-il encore ? Les défis n'ont pas disparu : ils viennent de l'Asie (efficacité de la production) comme de l'Europe (puissance financière, création de l'euro qui pourrait concurrencer le dollar, le plus important soutien de la puissance économique américaine). Les États-Unis conservent cependant des atouts exceptionnels : un espace vaste et riche, une position géographique ouverte à la fois sur l'Atlantique et le Pacifique, une population nombreuse, plus jeune et plus dynamique que celle de leurs concurrents, la place financière de New York, le premier marché de consommation mondial, une capacité d'innovation exceptionnelle, les premières firmes mondiales, la force militaire qui peut se traduire en termes d'hégémonie économique. Surtout, l'effondrement du bloc communiste confirme l'efficacité du modèle américain et donne au pays une opportunité exceptionnelle : débarrassé de la menace soviétique, il peut se concentrer sur sa puissance économique. De leur capacité à saisir cette chance dépend la possibilité pour les États-Unis de rester le centre de l'économie mondiale.

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